Douze Lunes
29 septembre 2001
>> [journal] Aujourd'hui je suis all� � l'American Library of Paris pour rendre des livres. J'�tais tr�s en retard, et quand on rend des livres en retard on a une amende, c'est comme �a. La dame qui m'a re�u et qui a enregistr� mes livres en retour �tait charmante, pas le moindre reproche, elle m'a dit � quel montant s'�levait mon amende et s'est excus�e d'avoir � me demander �a. Puis, alors que je payais, elle m'a remerci� de donner de l'argent � la biblioth�que qui en a bien besoin. Elle �tait tr�s s�rieuse et en aucun cas ironique. L'American Library of Paris est un des endroits les plus civilis� de la capitale et je suis tr�s fier d'en �tre membre.
>> [cin�ma] Le nouveau film d'Hayao Miyazaki, le cr�ateur de Princesse Mononok�, bat tous les records de fr�quentation au japon (Yahoo-actualit�s):
En date du 20 septembre, 16 millions de Japonais avaient d�j� vu "Sen To Chihiro no Kamikakushi -Spirited Away" ("Enlev�e par les Esprits")-, sorti le 20 juillet, contre 14,2 millions pour Mononoke Himei, et il devrait d�passer Titanic (16,8 millions de personnes) d'ici la fin de la semaine, selon des m�dias sp�cialis�s.Le film devrait sortir vers la fin de l'ann�e par ici.
Le film comme beaucoup de cr�ations de Miyazaki (notamment "Princesse Mononoke", "Laputa: Ch�teau dans le Ciel" ou "Nausicae de la Vall�e des Vents"), a divers niveaux de lectures. Il raconte l'histoire de Chihiro, fillette de 10 ans, qui voyage avec ses parents et se retrouve avec eux dans un monde fantastique peupl� de d�mons et divinit�s �tranges, vision clairement influenc�e par l'animisme shinto.
28 septembre 2001
>> [musiques/rock] Le disque qui tourne le plus souvent sur ma platine en ce moment est NIGHT AND DAY II de Joe Jackson. Bien s�r la pochette porte une photo du World Trade Center pr� 9-11, et l'artiste lui-m�me y est vu dans le r�troviseur d'un taxi. Cette image du r�troviseur incarne le fait que ce disque a quelque chose d'infiniment nostalgique. Involontaire d'abord, on ne verra plus jamais l'image des tours jumelles sans un pincement au c�ur, au moins. Ensuite il faut se rappeler que cet album est la suite du NIGHT AND DAY du m�me Joe Jackson, de 1982. Un disque retour en arri�re ou plut�t regard en arri�re dans le r�troviseur. Mais rien � voir cependant, � l'�coute, avec le tr�s beau, premier, NIGHT AND DAY. Il s'agit de pop-musique, de vrai pop, voire m�me de pop-classique. Les claviers, les voix, les cordes et les percussions � boites � rythmes omnipr�sentes � tout est tr�s repr�sentatif du genre, mais les m�lodies sont douces, m�lancoliques, un peu ironiques, lyriques par instant, nostalgiques mais pas tristes, sentimentales certainement, elles ont un charme imm�diatement perceptible et les chanteurs � Joe Jackson, Sussan Deyhim, Dale De Vere et Marianne Faithfull sont impeccables. Cet album est tout entier une ode � la ville de New York City et peint son portrait. Il y a de tout: observation, humilit�, histoire, innovations, po�sie, harmonie, chaos et beaut�. On reconna�t un air de Joe Jackson d�s les premi�res notes, c'est la marque des grands. Il signe avec ce disque-concept une grande le�on de musique et de po�sie.
it's a hell of a town
smoke coming up through the holes in the ground
it's a hell of a town
plenty of devils for taking you down
any time of night and day�
>> [politique] D'apr�s Lib�ration, Jospin et la gauche sont en f�cheuse posture:
Un chef de l'Etat requinqu� par une crise internationale d'ampleur, une r�cession qui se pr�cise, un ch�mage qui n'arr�te pas de grimper, des Verts renvoy�s � l'�ge de pierre par la candidature Lipietz, un processus de Matignon en capilotade, une gauche de la gauche qui s'appr�te � se ressourcer dans l'antiam�ricanisme apr�s avoir pass� le printemps � communier dans l'antijospinisme. Bref, le bilan de quatre ann�es de gouvernement pluriel est en p�ril.
>> [9-11] "Why we need conspiracy theories" se demande BBC news on-line:
We create alternate realities because we reject the world where a single madman can bring down a president, a reckless driver can snuff out a princess... and a few men with knives can terrorise a country.
The internet helps the theories grow and spread. An estimated 36,000 Princess Diana conspiracy web sites were created after her death.
Conspiracy theories are not unique to Western culture. Experts say they have operated in many societies throughout history.
On a certain psychological level, we appear to need them.
27 septembre 2001
>> [9-11] Stephen Jay Gould dans le Guardian ("Ground Zero's vital crumb of comfort"):
Good and kind people outnumber all others by thousands to one. The tragedy of human history lies in the enormous potential for destruction in rare acts of evil, not in the high frequency of evil people. Complex systems can only be built step by step, whereas destruction requires but an instant. Thus, in what I like to call the Great Asymmetry, every spectacular incident of evil will be balanced by 10,000 acts of kindness, too often unnoted and invisible as the "ordinary" efforts of a vast majority.
We have a duty, almost a holy responsibility, to record and honour the victorious weight of these innumerable little kindnesses, when an unprecedented act of evil so threatens to distort our perception of ordinary human behaviour.
>>[9-11] Si vous lisez bien l'anglais, visiter le premier num�ro de "The Onion" � revue satirique am�ricaine en ligne � depuis l'attentat du 11 septembre. C'est tr�s tr�s bon.
>>[9-11] Int�ressantes informations sur la future campagne d'Afghanistan sur Yahoo France. La firme Cantor Fitzgerald a perdu 700 de ses employ�s dans la catastrophe, 70% de ses employ�s � New York. Mais aussi 300 sculptures de Rodin et d'autres artistes, une tapisserie de Miro, un Lichtenstein et un Calder.
>> [journal] Ce soir, temps magnifique, doux et clair soleil, je marche jusqu'� la gare St Lazare le long de la rue de Rome, puis le pont de l'Europe et la rue de Londres pour terminer par la rue de Budapest. Rue de Rome la vision d'un h�licopt�re des pompiers se posant derri�re les immeubles vers l'ouest, frisson, alors que je passe le pont de l'Europe l'h�licopt�re red�colle et file vers le sud-est. Rue de Londres, je passe devant le modeste comptoir de Air Uzbekistan, triste, d�cati et ferm�.
>> [actualit�] En Suisse un d�rang� assassine 15 personnes. On n'est � l'abri nulle part de la folie meurtri�re, m�me en Suisse, apparemment. Il y a beaucoup d'armes en circulation en Suisse, tout le monde en a et les clubs de tirs sont florissants. C'est quelque chose qu'on ne dit pas.
>>[note perso] �tant un peu sur la touche � mon travail, car ayant fait une demande de mutation dont j'attends la r�alisation, je fais, � longueur de journ�e, des accus�s de r�ception aux clients grincheux qui �crivent pour se plaindre de telle ou telle anomalie, r�elle ou imaginaire, importante ou v�nielle. La r�ponse est quasiment toujours la m�me, je l'ai r�dig� une fois pour toute; pour m'adapter aux circonstances je change quelques mots parfois et l'adresse de l'endroit o� je fais suivre leur r�clamation, plainte ou dol�ance, moi-m�me ne pouvant, dans 99% des cas, rien faire pour all�ger leurs malheurs. Depuis mon retour de vacances, et � cause de ma demande de mutation, j'ai �t� mis hors du circuit, ostracis� par mes patrons en quelque sorte. Je me consacre donc � des t�ches largement subalternes. Ce n'est pas vraiment d�sagr�able mais c'est barbant.
26 septembre 2001
>>[9-11] Parfait �ditorial de Pascal BRUCKNER dans Le Monde sur les attentats du 11 septembre, dont voici des extraits:
[...] Ce qui motive le terrorisme, ce n'est pas telle ou telle erreur de l'Europe ou de l'Am�rique - et Dieu sait si nous en avons commis -, c'est la haine pure et simple. Cette haine est ant�rieure � toute excuse qu'elle se donne pour frapper, elle commence par ha�r et cherche, ensuite, des raisons. Elle ne s'adresse pas � l'Occident pour ce qu'il a fait mais pour ce qu'il est. Notre crime, � ses yeux, c'est d'exister purement et simplement.
C'est pourquoi la recherche �perdue des causes, m�me si elle part d'une bonne intention, fait fausse route : la culture de l'excuse, l'explication par le d�sespoir, l'humiliation, exon�re l'acte de son horreur et d�bouche sur la tentation de l'indulgence. "Ils ne peuvent pas avoir fait �a tout seuls, ils y ont �t� pouss�s par des circonstances extr�mes !" H�las ! non! Aucune concession n'apaise les terroristes, ils tuent sans autre finalit� que de tuer plus encore, ils veulent punir le genre humain tout entier d'�tre n�. Si demain les troupes am�ricaines �vacuaient leurs bases d'Arabie saoudite, si le blocus onusien � l'�gard de l'Irak �tait lev�, si m�me Isra�l �tait ray� de la carte, ils n'en continueraient pas moins leur croisade meurtri�re. Nous pouvons bien montrer les Etats-Unis du doigt, �grener la longue liste de leurs p�ch�s, nous r�jouir de l'humiliation qu'ils ont subie, nous sommes tous embarqu�s sur le m�me bateau. [...]
[...] Les r�seaux dormants de la multinationale Ben Laden (ou de ses affili�s) ne sont pas peupl�s de croyants mais de nihilistes. Ce n'est pas Dieu qu'ils c�l�brent, c'est la mort, leur v�ritable idole, comme jadis les troupes franquistes qui s'�criaient "Viva la muerte" ou les divisions SS (sans qu'il y ait le moindre lien entre ces ph�nom�nes)[...]
[...] Cette soif d'immolation ne se r�fute pas, n'est pas une id�ologie que l'on pourrait, comme jadis le communisme, discuter avec des arguments rationnels : elle se combat, se neutralise.[...]
[...] Nous pouvons donc rectifier le tir, changer de cap ; mais en aucun cas nous excuser d'�tre ce que nous sommes et resterons : les enfants des Lumi�res et de la prosp�rit�.
25 septembre 2001
>> [roman] JORDAN FANTOSME (Jean Baptiste Evette)
Dans Londres en 1911, un homme est rep�ch� dans la Tamise, bless�, comateux, il est recueilli par le patron d'un pub. Mais lorsqu'il se r�veille il est amn�sique. Il part � la recherche de son pass� et de ceux qui ont voulu l'assassiner. Au cours de cette qu�te il p�n�tre une soci�t� secr�te �trange et inqui�tante et doit faire face � son pass�.
Londres est magnifiquement d�crite et l'histoire est prenante. Evette s'inspire de Dickens ou Wilkie Collins, � contre courant de la litt�rature moderne fran�aise, ici pas d'exp�rimentations textuelles mais une histoire, une bonne histoire, et bien �crite aussi, pourquoi pas.
Et dehors les brouillards � nouveau se refermaient sur Londres; des brouillards sales, jaunes ou verd�tres, qui �touffaient le ciel, estompaient les fa�ades avant de les faire dispara�tre dans le n�ant; des brouillards qui semblaient devoir pousser au crime, s�cr�ter des Mr. Hyde ou des Jacks l'Eventreur aux coins des ruelles de Wappings ou de Soho, d�clencher des crises chez les fous de l'asile de Bedlam.
[roman] A QUATRE MAINS (Paco Ignacio Taibo II)
Mexique, Etats Unis, Espagne, Nicaragua. Stan Laurel, Houdini, Pancho Villa, Trotsky, Staline. Des journalistes, la CIA, un complot, le trafic de drogue, un anarchiste espagnol, un r�volutionnaire bulgare� Dans ce roman, le meilleur de Taibo, c'est tout un monde qui nous est offert, et l'histoire du Xx�me si�cle qui d�file. Le casting est formidable et le style �tonnant, la structure en puzzle est tr�s moderne mais reste tr�s facile � suivre, et � la fin tous les fils tendus sont enfin nou�s, les personnages sont fascinants ou attachants, l'humour ironique et les observations intelligentes; le sujet: un complot de la CIA contre les sandinistes du Nicaragua. Le meilleur est le style de Taibo, tr�s reconnaissable, un m�lange de coups de sang, d'observations malicieuses, d'aphorismes � l'emporte pi�ce, d'immense culture populaire et de r�flexions politiques sans concessions. Du grand art.
Saturnino Longoria observa attentivement le chef des "autres". C'�tait un homme d'une maigreur �tonnante, avec une masse de cheveux blancs et le visage mal ras�. Un personnage qui ressemblait � un chanteur de country au sortir d'une cure de d�sintoxication.
>> [m�ta] Un lecteur de Douze Lunes (j'ai des lecteurs!) m'a fait remarquer qu'il n'y avait pas assez de conseils de lectures. J'en conviens. Dont acte.
Dor�navant vous aurez deux fois par semaine et plus si n�cessaire un choix de livres r�cents ou plus anciens propos�s � votre curiosit� , � chaque fois deux livres (ou plus) avec une courte pr�sentation et un lien sur Amazon.fr. Tous les genres seront repr�sent�s. Les �ditions de poche et les versions fran�aises seront privil�gi�s, mais je ne m'interdis pas, de temps � autre de signaler un livre en anglais.
24 septembre 2001
>>[essais, po�sie] J'ai essay� de m'y int�resser mais je n'ai pas pu. Philippe Delerm est un �crivain talentueux, il a attendu son succ�s avec patience mais non sans une certaine amertume. Maintenant qu'il a atteint la notori�t� avec "La premi�re gorg�e de bi�re", ses �crits pr�c�dents sont tous r��dit�s, sa bibliographie tient maintenant sur deux pages, un nouveau livre du m�me format vient de sortir. Ce sont pourtant des ouvrages minces et qui ne cassent pas trois pattes � un canard. J'ai le plus grand mal � ne pas m'agacer devant ces r�cits un peu poujadistes de bonheur provincial, de bons sens populaire, je les trouve un peu m�diocres, voil�, un peu limit�s, les bonheurs de Philippe Delerm, ils sentent le renferm�, la soupe au choux, les raviolis du Lundi. Non que je rechigne sur le minimalisme, j'adore Christian Oster, Jacques R�da, Gil Jouannard, Pierre Sansot ou Jean Follain, j'aime ce vieux r�leur de L�autaud. Mais les sujets de Philippe Delerm me rappellent les chansons d'Yves Duteil, dont j'ai horreur, leur mi�vrerie un peu sirupeuse, leur gentillesse poisseuse, les gens biens, sans histoires. Ca m'�voque l'ennui de la vie du dimanche en province, la ballade au parc, les excursions familiales, genre visite de ch�teaux ou foire aux antiquaires et le douillet cocon du pavillon de banlieue aux franges de la campagne. J'�touffe quand je lis Delerm.
Sauf que... son dernier livre illustr� par sa femme, Martine Delerm et dont le titre est "Fragiles" est excellent. Les illustrations sont merveilleuses et les textes, des aphorismes, des sentences ultra-courtes sont tous tr�s beaux. Le sujet est plus ample, bien que trait� de fa�on minimaliste, ce sont de petites m�ditations sur des notions comme l'absence, le bonheur, le r�ve, le d�senchantement, l'h�sitation? Un livre � admirer et � m�diter.
>> [note perso] Si �a se trouve ce qui, peut �tre, m'ennuie dans la prose de Philippe Delerm, en g�n�ral, c'est la c�l�bration de la vie de famille en province, l'�vocation de ces visites � Paris, o� on va un peu �merveill� mais d'o� on repart soulag�, d�s les emplettes faites, pour se r�fugier dans son pavillon de Bernay dans l'Eure, de Vend�me ou de Ch�teau du Loir, les excursions � l'�tranger, Londres, bien s�r, comment ne pas aller � Londres, s'entasser dans Oxford Street et visiter Madame Tussaud, s'amuser avec un petit m�pris inavou� des fac�ties de ces sacr�s anglais. Le calme et la douce vie de province, calme comme l'eau de nos rivi�res et respectable comme nos ch�teaux, loin de l'agitation, du bruit et des crimes des grandes villes, o� l'on conna�t tout le monde et o� tout le monde vous conna�t mais o� on ne parle pas � tout le monde, sinon ce serait plus possible. Tout ce petit monde bien innocent mais un peu �touffant. Ce petit monde qui fait que je commence � avoir le spleen d�s que je passe le p�riph�rique et qu'il me faut une bien grosse motivation pour aller plus loin.
20 septembre 2001
>> Disques: Love And Theft Bob Dylan
Il est n� le 24 mai 1941 � Duluth, Minnesota, sous le nom de Robert Zimmerman, il se fera conna�tre sous celui de Bob Dylan. Le plus grand "songwriter" de tous les temps a f�t� ses soixante ans cette ann�e. Il vient de sortir son dernier opus: Love And Theft.
Il est beau comme un astre sur la pochette en noir et blanc. Amaigri, tignasse folle, fine moustache, soup�on de barbe. Dylan est s�rement l'artiste le mieux conserv� du rock, il ne fait pas une minute ses soixante ans. On pourrait penser que la vie qu'il a men� l'aurait marqu�, mais non, le grand Bob est frais comme un gardon. Et il vient de nous donner un chef d'�uvre. Son pr�c�dent album: Time Out Of Mind �tait un dernier regard, lugubre et lointain mais somptueux sur ses peines de c�ur. Love And Theft est tout sauf triste ou d�pressif, au contraire p�tulant et dynamique, plein d'humour et p�tillant. Le ma�tre revient sur sa jeunesse, se parodie lui-m�me et tout �a est bien r�jouissant. Tous les styles qui ont fait sa carri�re sont convoqu�s: blues, country, country-blues, rock classique, balades mais aussi rockabilly, pourquoi pas. Dylan revisite le pass� sur le mode jubilatoire, son pass� et le n�tre par cons�quent. Celui de ma g�n�ration plus exactement. Grande nouvelle: Dylan a retrouv� sa voix, cette chose �trange rauque, cass�e, nasillarde, chaude et rigolarde. Il l'avait un peu perdue dans ses pr�c�dentes productions, culminant dans Time Out Of Mind par une voix de fant�me alcoolique, glaciale. Et les musiciens sont ceux qui l'accompagnent sur sc�ne � le fameux "never ending tour" � leur symbiose est parfaite, jamais Dylan n'a eu une telle complicit� �vidente avec des musiciens depuis The Band. Love And Theft est un album dr�le, inventif dans la tradition, Dylan y est � son meilleur. Encore un chef d'�uvre, quel homme!
>> The Economist est le meilleur journal pour les questions de politique et d'�conomie plan�taires. Cette semaine, son dossier sur les suites des attentats est passionnant. Ne pas oublier de lire aussi cet �ditorial "Whatever its mistakes, the idea that America brought the onslaught upon itself is absurd". Editorial dont je ne peux m'emp�cher de citer les derni�res lignes. Ah! C'est mon blog apr�s tout!
America defends its interests, sometimes skilfully, sometimes clumsily, just as other countries do. Since power, like nature, abhors a vacuum, it steps into places where disorder reigns. On the whole, it should do so more, not less, often. Of all the great powers in history, it is probably the least territorial, the most idealistic. Muslims in particular should note that the armed interventions in Bosnia and Kosovo, both led by America, were attacks on Christian regimes in support of Muslim victims. In neither did the United States stand to make any material gain; in neither were its vital interests, conventionally defined, at stake. Those who criticise America's leadership of the world's capitalist system�a far from perfect affair�should remember that it has brought more wealth and better living standards to more people than any other in history. And those who regret America's triumph in the cold war should stop to think how the world would look if the Soviet Union had won. America's policies may have earned it enemies. But in truth, it is difficult to find plausible explanations for the virulence of last week's attacks, except in the envy, hatred and moral confusion of those who plotted and perpetrated them.
18 septembre 2001
>> On en a besoin:
(...)
When you open your mind
You'll discover the sign
That there's something
You're longing to find...
(chorus)
The miracle of love
Will take away your pain
When the miracle of love
Comes your way again.
Cruel is the night
That covers up your fears.
Tender is the one
That wipes away your tears.
There must be a bitter breeze
To make you sting so viciously -
They say the greatest coward
Can hurt the most ferociously.
But I'll show you something good.
Oh I'll show you something good.
If you open your heart
You can make a start
When your crumbling world falls apart.
(chorus)
EURYTHMICS
>> Le nouveau leader des conservateurs en Grande Bretagne, Ian Duncann Smith, rassemble un cabinet r�solument � droite (The Independent). En attendant Tony Blair devient, assez justement, � mon opinion, un leader mondial incontestable (BBC). Go Tony!
>> Editorial intelligent et r�fl�chi de Anne McElvoy dans The Independent (London): "Anti-Americanism blinds the left to what's at stake".
>> Une blague bosniaque: quelle est la diff�rence entre un optimiste et un pessimiste? Le pessimiste dit: "�a peut pas �tre pire", l'optimiste dit: "mais si, mais si".
>> On dirait que les choses vont un peu mieux. J'�coute Classic Gold Digital (Classic Rock London) sur mon PC (plaisir d'avoir le c�ble: les radios sans coupures, du monde entier). Cette radio est faite pour moi: de vieux tubes essentiellement, les 60's, 70's au pire quelques incursions dans les 80's, les Bee Gees, Fleetwood Mac, Yes, Supertramp, les Stones, les Beatles, les Doors, l'accent british des animateurs� Tout ce que j'aime. Il n'y a rien de mieux pour se d�tendre. Ce matin j'ai fait un aller-retour � St Pierre des Corps, en train, pour le boulot. Parti � 7h45, revenu � 13h18. Visite �clair. Formation de trois heures. Que des filles dans l'assistance, deux mignonnes! Temps pourri, bouch�, pluie fine, froid. J'ai ressorti ma parka, rang�e depuis la fin mai. Il fait trop froid pour un mois de Septembre, le chauffage remarche dans mon immeuble, remis cette nuit. Fais des courses ce soir, de la nourriture. La vie reprend.
Les transports en commun sont bizarrement sous employ�s, par contre les bus n'avancent plus � cause du trafic des voitures individuelles. Peur? Possible, mais il y a quelque chose de diff�rent.
16 septembre 2001
>> Dimanche morne et triste, je suis toujours tr�s fatigu� et comme je dors mal j'ai du mal � r�cup�rer. J'avais de bonnes r�solutions mais je ne les ai pas mise en application, j'ai pass� le plus clair de mon temps � �crire sur les �v�nements et leur suite, � faire des recherches et � penser. D�s demain il faut que je tourne un peu la page.
>> La cinqui�me symphonie de Malher me semble bien �tre la musique la plus appropri�e � ces temps difficiles. Je l'�coute en boucle. Non que �a arrange mon moral, toutefois!
15 septembre 2001
>> Pass� une grande partie de la journ�e � �couter France Culture, plus ou moins attentivement. Des d�bats consacr�s � la catastrophe. Intelligents. Ca change.
>> Un livre qui est un tr�sor de po�sie: Le "Dictionnaire de la Langue Qu�b�coise" de L�andre Bergeron aux �ditions VLB. Illustr� d'exemples pittoresques. Le joual est une langue tr�s riche, avec beaucoup d'emprunts � l'anglais mais francis�s, marqu� par l'ancien fran�ais, et avec un cot� pratique, pr�s de la terre tr�s plaisant. Ouvrir le "Dictionnaire de la Langue Qu�b�coise" au hasard et lire. C'est un exercice que je fais fr�quemment, un exercice pour apporter de la fra�cheur, pour s'a�rer le langage, se le d�brider. J'aime la mani�re avec laquelle parlent les Qu�b�cois, leur accent. Je regarde le Journal T�l�vis� de Radio Qu�bec sur TV5 de temps � autre et j'y trouve toujours une tournure qui m'amuse: "Le ministre de l'agriculture est tr�s emb�t�" ou, lors de la grande temp�te de neige de 1996: "Allez, nous les Qu�b�cois on est pas des l�cheux" (dit par le pr�sentateur).
Pris dans le "Dictionnaire de la Langue Qu�b�coise":
D�flaboxer: v.t. � D�primer. Ex: I est tout d�flabox�.
B�cosse: n.f. � Cabinet ext�rieur. � Salle de bain.
Br�ques: n.m. � Freins.
Agace-pissette: n.f. � Femme qui taquine sexuellement.
Rate: n.f. Se mouiller la rate � Boire des boissons enivrantes. En avoir sur la rate � Etre en col�re.
>> Fatigu�, obs�d� par les images de la catastrophe, pessimiste, triste, nerveux, insomniaque, anxieux de l'avenir. C'est mon �tat en ce moment. Je suppose qu'on peut appeler �a un d�sordre post-traumatique.
Donc ce week-end je fais une pause. J'essaie de penser � autre chose. Je souffle.
Je vais aller voir ma petite ni�ce (un an et demie), jouer avec elle. Faire un tarot avec ma ni�ce et mon neveu. Je vais lire la Bible 2001 (nouvelle traduction), Jean Echenoz et Christian Oster. Je vais �couter Brad Meldhau, Jan Garbarek, Fleetwood Mac. Je vais regarder "Mon Voisin Totoro" en vid�o et me promener un peu dans Paris.
13 septembre 2001
>> Infographie excellente du sc�nario de l'attentat et du pourquoi de l'effondrement des tours du WTC, sur le site du journal espagnol El Pais (en espagnol mais tr�s compr�hensible). (via Kottke).
>>
"We're all gonna die, but three of us are going to do something. I love you honey."
Tom Burnett,
appelant sur son t�l�phone portable juste avant le crash du vol 93 pr�s de Pittsburgh
>> Bernard KOUCHNER dans Le Monde aujourd'hui:
"Nous sommes tous, aujourd'hui, d�sormais des Am�ricains; des Am�ricains d'Europe. Les p�res des victimes de New York ou de Washington furent � nos c�t�s contre l'horreur nazie. Nous devons aujourd'hui � leurs enfants, malgr� nos divergences, la m�me solidarit� sans faille et sans r�serve face � cette nouvelle barbarie.
Il nous faut d'abord ne pas accepter. Ne pas accepter l'inhumanit� parce que l'horreur nous submerge, que le nihilisme menace � nouveau, que le terrorisme sans fronti�re est devenu, pour certains, la r�gle. Il nous faut aussi ne pas dire "stupeur", ne pas dire "inimaginable". Cette horreur fut d�crite, r�p�t�e, film�e, transform�e en s�ries t�l�vis�es et en jeux vid�o pour les enfants du monde. Cette horreur a inspir� les adolescents. Elle a �t� donn�e en mod�le. A qui notre monde riche se donnait-il alors en spectacle?
Le mardi 11septembre 2001on a d�clar� la guerre � la d�mocratie. C'est bien aux valeurs de l'humanit� que se sont attaqu�s les criminels.
Ce n'est pas aux Am�ricains que l'on s'en prend aujourd'hui mais bien � chacun d'entre nous, nous qui nous estimons d�mocrates, nous qui nous pensons des hommes libres. L'humanisme ne saurait �tre un pacifisme. Peut-�tre lui faudra-t-il encore, comme parfois dans l'histoire, assurer sa survie avec force.[...]"
>> Lettre du Dala� Lama � Georges W. Bush.
>> Photos de Todd Rengel du Village Voice.
(via WorldNewYork).
>> Tr�s impressionantes, ces photos � Ultradio. (via Grayblog).
12 septembre 2001
>> L'ATTAQUE:
- Int�rr�ssant point de vue sur MSNBC
- Salon a une analyse de la cause de l'effondrement des tours jumelles.
- T�moignage dans "The Times" (Londres).
- Galerie de dessins de presse am�ricains sur Slate.
>> Jean-Marie COLOMBANI, directeur du "Monde":
"Dans ce moment tragique o� les mots paraissent si pauvres pour dire le choc que l'on ressent, la premi�re chose qui vient � l'esprit est celle-ci : nous sommes tous Am�ricains! Nous sommes tous New-Yorkais, aussi s�rement que John Kennedy se d�clarait, en 1963 � Berlin, Berlinois. Comment ne pas se sentir en effet, comme dans les moments les plus graves de notre histoire, profond�ment solidaires de ce peuple et de ce pays, les Etats-Unis, dont nous sommes si proches et � qui nous devons la libert�, et donc notre solidarit�."
11 septembre 2001
>> T�moignages dans les blogs (via notsosoft):
http://www.home.earthlink.net/~yodio/WTC.html
http://www.toothpickgirl.com/
http://www.saranwarp.com/
http://www.andyschest.com/
http://www.ultrasparky.org/
>> Incroyable. Je suis sous le choc� le World Trade Center disparu, quatre avions de ligne� Je me pince, non je suis bien r�v�ill�, CNN en fond sonore� On dirait un mauvais film catastrophe, mais c'est vrai. Le World Trade Center� New-York� Le Pentagon� Quatre avions de ligne� Des dizaines de milliers de morts...
06 septembre 2001
>> Ca s'est pass� pr�s de chez moi. On survit rarement � un coup de couteau dans le c�ur, au sens figur� il arrive qu'on s'en remette, au sens propre non. La police dit que l'individu arr�t� avait "un profil psychiatrique". M�fiez vous des gens qui ont un profil psychiatrique. Comment reconna�tre un profil psychiatrique quand vous en rencontrez un, avant qu'il ne vous plante un couteau dans le c�ur? Pas facile. Tenez, pas plus tard qu'aujourd'hui j'ai crois� au moins deux profils psychiatriques av�r�s. Un dans le m�tro, ligne 13, direction Asni�res � Gennevilliers, entre Miromesnil et St Lazare, profil extr�mement psychiatrique, logorrh�e et comportement aberrant � la limite de l'agressivit�. Un autre rue de Rome, il marchait en regardant les trains de banlieue s'engouffrer dans la tranch�e de St Lazare en riant d'un air profond�ment psychiatrique. Un jour, dans cette m�me rue de Rome, � peu pr�s au m�me endroit, j'ai crois� l'acteur Jean-Claude Dreyfus (Delicatessen; les plats cuisin�s Marie), il faisait pisser son chien, un rottweiller, et chantait � tue-t�te un air de ce qui m'a sembl� �tre de l'op�ra pour une audience compos�e uniquement de trains passants en trombe. Mon passage pr�s de lui ne l'a pas interrompu. Il avait l'air assez psychiatrique et quand on sait que dans Delicatessen il jouait le r�le d'un boucher homicide�
>> O� l'on parle encore de la Bible 2001, l'�v�nement litt�raire de la rentr�e. Il faut admettre que c'est quelque chose d'�tonnant et de remarquable, la traduction en fran�ais moderne est saisissante, on croirait parfois un texte �crit r�cemment, et sans trahisons apparemment. T�moin cette traduction de Jean Echenoz:
Second livre des maccab�es, 2, 24-28 "Consid�rant le flot des chiffres, et compte tenu du mal qu'�prouvent ceux qui se plongent dans les r�cits de l'histoire vu l'abondance des choses, nous nous sommes attach�s � produire un objet agr�able � ceux qui souhaitent lire, commode pour ceux qui aiment se rappeler les faits, utile � tous indistinctement. Pour nous qui sommes charg�s de ce travail p�nible, ce n'est pas facile, c'est beaucoup de sueur et de veilles. Mais, de m�me que l'homme qui, pour le plaisir d'autrui, pr�pare un festin sans chercher la facilit�, de m�me, pour le service public, nous supportons volontiers ce travail p�nible. Laissant � l'�crivain un examen complet de chaque �v�nement, nous t�cherons d'en suivre bri�vement les grandes lignes."
05 septembre 2001
>> Ayant re�u de nombreuses menaces � la suite d'un article avan�ant que les obs�ques de la chanteuse Aaliyah, r�cemment victime d'un accident d'avion, �taient un peu exag�r�ment fastueuses, le journaliste Rod Dreher, du New York Post a laiss� un message sur sa boite vocale:
"Si vous appelez � propos de mon article sur Aaliyah, appuyer sur 1 pour laisser une menace de mort, sur 2 pour une menace d'attentat, sur 3 si vous voulez que je sois vir�, sur 4 pour utiliser des grossi�ret�s, sur 5 pour les propos racistes, sur 6 pour les insultes anti-s�mites. Et, s'il vous pla�t, parlez avec une syntaxe coh�rente, si vous le pouvez."
>> Il y a de tout dans les s�ries t�l� am�ricaines, des bonnes et des moins bonnes, des franchement nulles et d'excellentes. Mais une caract�ristique commune est qu'elles vieillissent mal. Ca tient � deux choses, en premier lieu le casting �volue, les acteurs se lassent plus ou moins rapidement, les plus talentueux partent tenter leur chance sur le grand �cran, les autres se fatiguent du rythme de travail �puisant sur le tournage d'une s�rie, certains se f�chent avec le producteur, d'autres exigent un salaire mirobolant. Les acteurs sont remplac�s mais dans les bonnes s�ries les personnages qu'ils incarnent disparaissent avec eux et le remplacement est souvent difficile. Ainsi les trois-quarts du casting du NYPD Blue (New York Police Blues) d'origine est parti, ce qui a oblig� les sc�naristes � des astuces peu cr�dibles pour expliquer leurs disparitions, l'histoire s'en est ressentie, et les remplacements ne sont pas tr�s bons. Parfois un �l�ment essentiel du casting dispara�t et toute la s�rie souffre, ou ne s'en remet pas: le d�part de Georges Clooney dans Urgences a quasiment ruin� la s�rie, de m�me X-Files aura du mal � survivre sans David Duchovny. En second lieu, le ou les sc�naristes du d�but s'en vont. Souvent c'est la lassitude qui a raison d'eux, il faut pondre 20 ou 24 sc�narii par an, l'inspiration fait d�faut et on a envie de faire autre chose. L� encore le remplacement n'est pas toujours � la hauteur. Et surtout il y a parfois une r�elle alchimie entre sc�naristes et acteurs voire m�me avec le producteur, alchimie qui fonctionne bien au d�but mais qui r�siste mal aux diverses d�fections.
Combien en voyons-nous de s�ries qui d�marrent bien et qui, les ann�es passant, s'affadissent, se r�p�tent, deviennent vulgaires, perdent tout int�r�t. T�moins Ally McBeal, Urgences, New York Police Blues, Twin Peaks, X-Files, LA Law� C'est toujours triste de voir qu'on a pas su les arr�ter � temps.
03 septembre 2001
>> Un dossier sur Jean-Pierre Abraham, �crivain, homme de mer, directeur de revue, auteur de la fameuse bible des Gl�nan et navigateur � voile.
J'ai connu Jean-Pierre Abraham. C'�tait mon chef de stage aux Gl�nan, en 1976 je crois. J'ai su plus tard que je lui avais fait forte impression par mon inertie � l'effort. C'est juste que je trouvais les Gl�nan tr�s beaux, et la vie l� bas assez amusante dans sa rusticit�, mais que je n'aimais pas la voile, les vagues, les embruns et les bateaux� Evidemment, dans un stage de voile�!
Vous trouverez dans ce dossier une biographie, une bibliographie avec possibilit� d'acheter ses �uvres en ligne, quelques critiques et une interview.
02 septembre 2001
>> France Culture a s�lectionn� quinze livres pour la rentr�e litt�raire. Avec lecture de quelques pages par les auteurs.
>> En plus d'�tre un triomphe d'ing�niosit� et d'�tre �conome (14 moteurs pas plus puissants que 14 s�che-cheveux, �nergie solaire), d'�tre l�ger (2,6 T), H�lios est beau (photo, photo, photo). A terme, il croisera entre 20 et 30 000 m�tres, � la vitesse de 30 � 40 km/h. Ce sera le premier "satellite atmosph�rique".